Communication alternative et augmentative : des fiches et un tuto !

Déjà plus de 8 ans que je suis orthophoniste et je suis ravie d’avoir encore des domaines de compétences à explorer, ce qui va souvent de pair avec la découverte de nouveaux outils destinés à aider mes patients.

Durant plusieurs années, alors que j’intervenais dans un centre d’activité de jour pour adultes autistes, j’ai pu me former à la méthode de communication par échange d’images (PECS). Cette méthode a montré de réels progrès chez certains jeunes qui ont pu accéder à l’initiative de communiquer et se faire comprendre lorsqu’ils font des demandes. Mais il est intéressant de noter que cette technique présente quelques limites : les jeunes chez qui nous avons mis en place cet outil n’ont pas eu l’occasion de développer d’autres fonctions de communication.

En intégrant des groupes Facebook sur la CAA pour « Communication Augmentative et/ou Alternative », aussi bien animés par des professionnels que par des parents d’enfants handicapés, je me suis rapidement rendu compte que le PECS était loin d’être le seul outil à mettre en place, et qu’il existe des outils « robustes » qui permettent de communiquer de manière beaucoup plus naturelle et approfondie.

Ces outils robustes aident également à la compréhension du langage oral puisque l’interlocuteur peut modéliser un message sur l’outil de communication du patient, ce qui n’était pas possible de faire avec le PECS qui devait servir uniquement au patient à exprimer des demandes.

Pour celles et ceux qui n’ont pas ou plus la possibilité de s’exprimer au moyen d’un langage oral compréhensible (aphasiques, autistes de tous niveaux, personnes souffrant de mutisme sélectif, personnes avec importants retards de parole et de langage), il existe donc des moyens techniques pour soutenir l’oralisation, la compléter, la remplacer parfois. Il devient possible de partager des informations, exprimer des sentiments, raconter une histoire, créer un cahier de vie personnalisé, maintenir ou clore une interaction, réparer une erreur de compréhension, etc.

 

 

Ces outils de CAA sont dits « augmentatifs » lorsqu’ils ne se substituent pas totalement à l’oralisation mais qu’ils viennent en renfort, et ils sont dits « alternatifs » lorsqu’ils remplacent (quasi) totalement la parole ou l’oralisation.

Parmi les outils disponibles, les tableaux de langage assistés sont constitués de grilles d’images et/ou de mots sur un thème précis qui sont regroupés ensemble de manière à être tous visibles sur un même support, par exemple une page numérique sur une application sur tablette, ou tout simplement une feuille format A4 ou A3.

C’est en pensant à certains de mes patients aphasiques qui ont une compréhension plutôt préservée mais un langage expressif chuté, que j’ai eu l’idée de créer des tableaux de langage assistés à partir du fichier 50 nouvelles téléchargeables gratuitement sur le site de la librairie orthophonique Mot à Mot.

Après avoir téléchargé les 50 nouvelles, voici un ensemble de TLA que je vous propose.

 

Ce matériel consiste à lire ou écouter une histoire courte et insolite, puis à répondre à des questions. Les patients qui ne peuvent répondre ni oralement ni par écrit pourront le faire en pointant l’image sur les TLA que j’ai créés pour vous, à l’aide d’images libres de droits disponibles sur plusieurs sites : ARASAAC et Sclera.

Pour chaque histoire issue des 50 nouvelles, il y a un tableau de langage assisté qui servira dans différentes activités :

  • Si le patient a des difficultés de compréhension, l’orthophoniste pourra modéliser les éléments du récit en pointant les images et en les accompagnant de la parole.
  • Le patient pourra lui-même raconter l’histoire en s’aidant des images qu’il pourra pointer. Il pourra aussi essayer de lire le mot écrit sous chaque image.
  • Le patient pourra répondre aux questions de compréhension posées après chaque histoire en pointant les images correspondantes.

 

N’hésitez pas à me faire part de vos retours et des réactions de vos patients !

 

 

Aller plus loin ? Tutoriel pour créer vos TLA !

 

J’approuve aujourd’hui l’idée selon laquelle toute personne qui a la motricité minimale et qui est assez vigilante, possède les capacités d’utiliser un outil de CAA – il suffit de trouver celui qui lui convient. Le professionnel va présumer les compétences de la personne, et va faire en sorte que son droit fondamental à s’exprimer et à faire entendre ses besoins uniques puisse être respecté via un outil de CAA le plus complet possible.

Récemment j’ai pu suivre un webinaire passionnant avec OséO où j’ai pu voir comment utiliser les applications sur tablette TD Snap et Proloquo2Go, et j’en suivrai une formation prochainement avec Maddie Communique. Je vais continuer doucement de mettre place des outils de communication alternative et/ou augmentative, en particulier ceux dits « robustes ».

Voici un guide sur un outil très pratique pour créer des tableaux de langage assistés, il s’agit de TD Snap :

 

 

  • Rendez-vous dans l’application TD Snap, Aller dans l’onglet « Sujets ».
  • Appuyez sur la roue avec un stylo en haut à droite de l’écran (outil de modification), sélectionnez « Sujet 1 » : ce sera le dossier dans lequel vous mettrez les images de votre TLA !
  • En bas de l’écran sélectionnez l’onglet « bouton » et renommez « sujet 1 » en écrivant « Histoire 1 ».
  • Cliquez sur « Terminé » en haut à droite de l’écran.
  • Allez dans « Histoire 1 » et cliquez à nouveau sur la roue et le crayon en haut à droite.
  • Sélectionnez un rectangle blanc, allez sur l’outil « Bouton » en bas à gauche et tapez un mot dans la barre de recherche à droite d’ « Intitulé », puis appuyez sur la petite loupe à côté, plusieurs images vont apparaître, vous pouvez choisir celle qui vous convient.
  • Quand vous fait votre choix, l’image avec le mot écrit en dessous apparaît dans votre TLA, vous pouvez ensuite cliquer sur un autre rectangle blanc et créer autant d’images que vous voulez dans votre tableau !
  • En bas de l’écran près de l’onglet « Bouton » vous pouvez cliquer sur « Page », et vous verrez apparaître à droite de l’écran une imprimante, ce qui vous permettra d’obtenir vos TLA sous format papier et de les plastifier.
  • Vous pouvez bien entendu utiliser vos TLA sous format numérique uniquement, ce qui vous permet d’avoir accès à l’oralisation de chaque image sélectionnée par le patient (dans la version payante de TD Snap), de modifier la place des images dans le TLA au moyen du geste « glisser-déposer », et même de modifier la taille de la grille en allant dans l’onglet « Page » puis à gauche de l’écran, en sélectionnant « Taille de la grille ». Les possibilités de création sont immenses !
  • Si vous souhaitez cacher des images dans votre TLA, vous pouvez toucher à droite de votre écran l’outil « sélectionner des images » (représenté par quatre carrés avec des encoches à l’intérieur), vous touchez les images que vous voulez cacher puis vous appuyez sur l’œil à droite de l’écran. Vous pouvez rendre les images visibles à nouveau en appuyant à nouveau sur l’œil.

 

Le moment de conclure est arrivé.

 

Je reviendrai sur la manière dont mes patients s’approprient ces outils, pour le moment je suis au début de cette aventure passionnante ! J’ai pu remarquer, qu’étant habituée avec le PECS à attendre que le patient fasse des demandes, je trouve difficile de modéliser sur un TLA ou une tablette sans rien attendre du patient, sans demander au patient de m’imiter, et je me demande avec quelque anxiété si mes petits patients actuels au cabinet vont un jour utiliser la CAA spontanément, mais je sais qu’il faut que je sois très patiente et que je m’entraîne à ne rien exiger d’eux, mais à modéliser encore et encore, car les témoignages que j’ai lus sur l’efficacité de la modélisation en CAA sont très encourageants.

Et vous, connaissez-vous les outils de CAA ?

Vos retours d’expériences m’intéressent, ainsi que la manière dont vous évoluez dans votre pratique auprès des patients qui ne communiquent pas avec le langage oral.



 

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5 commentaires sur “Communication alternative et augmentative : des fiches et un tuto !

  1. Adeline

    Merci, justement je suis en pleine réflexion pour un petit patient avec un TSLO sévère. Cela m’aide à avancer dans le projet !

  2. Nathalie

    Bonjour Raphaëlle, merci pour cet article. Bienvenue de la monde merveilleux de la CAA 🙂

    Cependant si je peux me permettre, les tableaux proposés ne sont pas tous des TLA, car on ne peut pas forcément construire de phrases avec, ce qui est l’objectif premier d’un TLA (par exemple dans celui de l’histoire 7, il n’y a pas de sujet pour construire la phrase.) Mathilde Suc Mella propose un super article sur son site CAAPABLES, pour savoir comment les construire, en respectant la logique grammaticale gauche-droite sujet-verbe-complément. Idem pour Ornella Thys sur son site caausette.com. Et Christelle Pirkenne avec qui vous avez suivi le webinaire sur les outils robustes, propose un très bon webinaire… sur les TLA! 🙂

    Il est intéressant de rajouter que contrairement au PECS qui favorise avant tout l’émergence de la demande, les TLA permettent, s’ils sont bien construits, d’exprimer toute une palette de fonctions de communication, dès le départ. Et la compréhension est l’objectif premier, contrairement au PECS où l’on est rapidement en attente d’une expression de la part du patient

    J’utilise des TLA depuis de nombreuses années et n’ayez crainte: vous parlez bien oralement aux tout petits sans rien attendre en retour ni vous poser trop de questions: c’est pareil pour la CAA! Il faut faire baigner les patients dans un bain alternatif de pictos (ou de photos, d’images, mais aussi de signes!) pour qu’ils rentrent dans la compréhension, puis plus ou moins rapidement, dans l’expression, en pointant un premier picto, avec le doigt, le poing, les yeux… les possibilités sont multiples et c’est ça qui est génial!

    Bonne route dans cette nouvelle aventure!

    Nathalie (orthophoniste passionnée de CAA 🙂 )

  3. JAC

    Bonsoir. Merci pour cet article intéressant; Effectivement Gong est un logiciel intéressant, paramétrable, ouvert et utilisable sur un smartphone (ou un PC); ce qui permet une utilisation souple. Mais il nécessite pas mal de capacités cognitives préservées (attentionnelles – mem de travail – exécutives), qui ne sont pas toujours exploitables chez nos patients aphasiques. Il existe aussi quelques supports externes de communication imagés très largement simplifiés et/ ou spécifiques à quelques situations données (peu nombreux il est vrai). Il est évident que plus le handicap de communication sera lourd et plus l’utilisation de des systèmes alternatifs de communications sera à la fois cruciale mais de portée fonctionnelle limitée. Encore merci pour cet article sur ce blog qui pose toujours d’importantes questions dans notre pratique professionnelle…. Bonne continuation.

  4. florence

    Merci pour cet article.
    J’utilise uniquement GONG, avec les aphasiques et éventuellement neurodégénératif type Alzheimer. MIs à part que c’est payant pour le patient (le professionnel doit aussi payer la formation, mais une seule fois), j’aime bien.
    Merci beaucoup pour l’infographie « pourquoi on communique » c’est très réussi !

    • Merci pour l’information concernant le logiciel GONG !
      J’aime beaucoup cette infographie mais elle n’est pas de moi 😉 J’ai utilisé l’infographie de Line Perrin, orthophoniste d’après le schéma de Kate Ahern et le tableau d’AssistiveWare.
      Bonne journée !

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