7 façons de (mieux) écouter les patients !

 
Écoutons-nous vraiment les patients ?

 

Bien entendu direz-vous ! Après tout, nous sommes orthophonistes, spécialistes de la communication et de tout ce qui la concerne, l’écoute du patient en premier lieu ! Mais écoutons-nous vraiment ? Pas si sûr… Explorons la question ensemble, si vous me le permettez.

Il me semble important de recentrer notre pratique d’orthophoniste sur l’écoute des besoins des patients. Ce sont eux, et leurs proches souvent, qui nous consultent et qui peuvent juger la qualité de notre travail (et qui nous offrent parfois des chocolats ou du champagne à Noël !). Pas les collègues de la rue d’à côté, ni les orthophonistes formateurs, ni les médecins prescripteurs (à part certains plus disponibles), encore moins la sécurité sociale, les mutuelles, la HAS, l’éducation nationale,… C’est bien pour nos patients que nous œuvrons au quotidien.

Notre propre perfectionnisme professionnel, notre volonté d’en faire toujours plus (et c’est juste humain), peut aussi nous faire beaucoup de mal avec le sentiment douloureux du syndrome de l’imposteur. Ne l’oublions pas, c’est d’abord aux patients que nous devons rendre des comptes. Et des compte-rendus…. on adore cela !

Si nous travaillons pour le patient (et un peu gagner notre vie), alors nous sommes prêts à l’écouter, lui, cet être humain chaque fois unique qui entre dans notre bureau et qui nous tord parfois les neurones ! Même si la réalité n’est pas (toujours) à la hauteur de nos attentes, que les relations humaines sont toujours complexes, cela vaut la peine d’essayer. Alors comment faire concrètement pour écouter ? Quelques pistes sont développées qui sont l’occasion de réfléchir sur notre pratique et de la faire progresser.

 

1. Observer, observer, observer !

 

Je suis persuadée que l’écoute toute simple est une force très puissante, dont nous n’avons pas assez conscience ! Écouter c’est d’abord se donner l’autorisation d’observer, de ne pas agir, de se rendre attentif à l’autre, ce qui nous donne la capacité d’être très réceptif. C’est en se mettant à l’écoute des patients tels qu’ils sont, en les observant, en résistant parfois à l’envie d’agir tout de suite, que nous pourrons comprendre beaucoup de choses et ensuite les aider.

Selon le philosophe Frédéric Lenoir, l’empathie est indissociable de l’écoute. J’écoute autrui parce que je m’intéresse à lui. Lenoir parle aussi de « recherche de vérité » : j’écoute quand je suis prêt à ne pas m’accrocher à mes propres idées, quand je suis prêt à faire évoluer ma pensée. Là encore nous retrouvons la capacité à prendre acte de ce qui est sans que le réel ne soit recouvert par nos propres jugements.

Cette qualité d’écoute n’est pas facile, il ne suffit pas de décider d’écouter par le faire vraiment. Il me semble que la capacité d’écoute est grandement améliorée grâce à des pratiques spécifiques, comme celles proposées par la méditation de pleine conscience et la communication non violente.

Frédéric Lenoir quant à lui recommande la pratique d’ateliers philo pour apprendre aux gens à s’écouter. Je vous invite à écouter une courte interview (5 minutes) de lui sur ce thème de l’écoute :

 

 

 

2. Faire du premier contact un vrai premier contact

 

Il est rare que les patients arrivent à parler directement avec un orthophoniste quand ils appellent pour la première fois. Personnellement je ne décroche pas mon téléphone en séance, et mon répondeur redirige les patients vers la liste d’attente régionale gérée par l’ARS, Inzee.care. Les patients peuvent créer une demande et la préciser s’ils le souhaitent.

Quand le patient l’appelle, l’orthophoniste peut donner l’opportunité au patient de préciser sa demande, au moyen d’un message laissé sur le répondeur invitant à le patient à le faire, d’une adresse mail, d’une plateforme de prise de rendez-vous où le patient pourra donner plus détails. L’idéal serait d’avoir du temps pour rappeler les patients sur une plage horaire dédiée, mais sommes-nous dans un monde idéal ?

 

3. Transformer l’anamnèse en conversation

 

La quoi ? La n’âme n’aise ? La name nezh, c’est breton, non ? Ah, ce doux questionnaire aussi long qu’un jour sans fin, qui rentre dès le premier rendez-vous dans l’intimité des familles….

Vous l’aurez compris, je ne me sens pas très à l’aise avec la manière dont les études m’ont appris à mener cet entretien qui retrace le parcours développemental, médical et la plainte du patient. Plutôt qu’un questionnaire très détaillé avec des cases à cocher, et un recueil d’informations qui ne serviront peut-être pas au cours de la prise en charge, il me semble que le patient se sentira vraiment écouté, et pas seulement questionné, si ce moment est vécu comme une situation d’échange.

L’anamnèse peut se mener comme une conversation (plus ou moins dirigée), au cours de laquelle le patient se sentira à l’aise pour exprimer et développer ses inquiétudes, préciser sa demande, et se sentir progressivement en confiance avec son thérapeute.

 

4. Donner une vraie place à la communication non-verbale et para-verbale

 

Cela semble basique, mais avec toutes les contraintes liées au manque de temps, aux contraintes organisationnelles, je pense que nous pouvons parfois oublier d’être vraiment présents, physiquement, pour les patients. Améliorer sa communication non verbale peut passer par un petit temps pour se connecter à notre respiration, se détendre si on en a besoin avant de recevoir le patient suivant.

Donner des temps de silence pendant la première rencontre, et même pendant une séance ordinaire, peut être un outil très efficace pour laisser le temps au patient de développer sa penser, de faire des liens, de se connecter à son propre fonctionnement.

Cela peut aussi être le fait de laisser l’ordinateur sur le côté du bureau, voire d’utiliser un dictaphone pour être totalement disponible pour écouter le patient pendant la première rencontre (et retranscrire ce qui est important à tête reposée).

 

 

5. Utiliser des outils de bilans plus à l’écoute des patients

 

Lorsque nous avons écouté sa demande, l’examen orthophonique du patient peut se faire avec des outils davantage centrés sur son propre fonctionnement qu’en le comparant à une norme. L’orthophoniste pourra alors observer son patient par rapport à lui-même. Je crois qu’au fond, on ne décide pas de soigner le patient parce qu’on l’a comparé à une cohorte la plus large possible, et qu’on l’a situé dans une zone dite « pathologique ». La norme pourra aider le professionnel à prendre une décision, mais au final on soignera un patient parce qu’il exprime une souffrance, parce qu’il est dans notre bureau pour essayer d’agir, pour améliorer sa vie.

Pour mieux cibler les besoin des patients, nous pouvons tout à fait diminuer l’utilisation le temps alloué aux tests standardisés qui situent les difficultés du patient par rapport à une moyenne, et donner plus de place à des outils plus fonctionnels comme les questionnaires, les interviews semi-structurées, les grilles d’observation (par le proche, par le professionnel, par le patient), l’évaluation dynamique, qui ont toute leur place dans le bilan orthophonique.

Quelques exemples d’outils que j’utilise déjà, dont certains sont gratuits (je vous ai mis les PDF à télécharger si c’est le cas) :

 
6. Définir des objectifs thérapeutiques en coopération avec les patients

 

Il me semble important de garder en mémoire que c’est le patient qui va bénéficier des objectifs thérapeutiques. Alors pourquoi pas prendre le temps de définir avec lui (et son aidant quand c’est possible) les objectifs de sa thérapie orthophonique ?

Pour cela, nous pouvons lui poser des questions telles que : « De quoi avez-vous besoin ? Qu’est-ce que je peux vous apporter ? Que souhaitez-vous avoir changé dans 3 mois, dans 6 mois? » Ensuite il s’agira de dialoguer avec le patient pour définir des objectifs réalistes et acceptés par les deux parties. Vous trouverez d’ailleurs quelques idées d’objectifs présentés sous forme de lignes de base sur le site orthophonie-lignesdebase.fr.

Il me semble important que les objectifs thérapeutiques ne prennent pas seulement en compte les performances mais aussi les impacts fonctionnels des troubles pour les patients. A cet égard, il nous paraît pertinent de prendre comme objectif, et à la fois une mesure d’efficacité de la rééducation chez l’enfant, un outil tel que le Questionnaire de retentissement du TSLE dans la vie quotidienne.

 

7. Écouter ce qu’ont à dire les autres professionnels sur la communication

 

Nous sommes orthophonistes mais nous ne sommes pas les seuls à avoir une expertise sur la communication humaine.

Il est vrai que les orthophonistes sortent de plus en plus du silence et qu’elles prennent davantage la parole, et c’est formidable ! J’apprécie particulièrement d’écouter les témoignages de collègues qui ont une pratique professionnelle classique ou qui sort de l’ordinaire comme dans le podcast Terres à Lier, le très fourni OrthosPower, ou encore celui-ci dédié à la gestion mentale.

Nous sommes certes des professionnels très concernés par la communication, mais notre champ de compétence fait que nous sommes avant tout spécialistes du langage, de la parole, de la sphère oro-myo-faciale, et des fonctions cognitives en lien avec ces domaines. Si nous acceptons l’idée que d’autres personnes, des patients et des gens issus d’autres branches professionnelles ont des choses à nous apprendre sur la communication, alors nous pouvons élargir nos horizons d’orthophoniste et approfondir l’écoute des patients. Je ne les citerai pas tous ici, mais les psychologues, psychomotriciens, écrivains, sociologues, anthropologues, ont tant à nous apprendre sur la communication !

Sur Instagram, j’apprécie particulièrement les vidéos de Théo Chaumeil, kinésithérapeute ou encore les publications de Margot qui nous raconte les séquelles de son « petit AVC », qui fourmille d’anecdotes.

 

Terminons par un peu de philosophie…

 

Avec une citation de Plutarque :

« Le commencement de bien vivre, c’est de bien écouter ».

 

Et une citation de Louis Pasteur :

« Guérir parfois, soulager souvent, écouter toujours ».

 

Et une gentille publicité pour financer Labortho 🙂



 

 

3 commentaires sur “7 façons de (mieux) écouter les patients !

  1. Emilie

    Merci pour vos pistes de réflexion ui sont toujours pertinentes et nous permettent de réfléchir à notre pratique.

  2. Lau Raine

    Merci beaucoup pour ces réflexions et références! Très intéressant.

  3. Pauline P

    Merci pour cet article !! Je partage complètement ce point de vue, ça fait du bien de lire ça.

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