Un homme pressé : l’orthophonie sous les projecteurs

 

Je partage avec vous mon coup de cœur pour le film Un homme pressé que j’ai eu la chance de découvrir en avant-première au siège de Gaumont, en présence de son réalisateur Hervé Mimran. Le récit de cet « homme pressé », directeur d’une grande entreprise automobile – Alain, incarné par Fabrice Luchini – qui donne tout pour son travail au point de nier ses besoins les plus vitaux (il refuse de se rendre à l’hôpital alors qu’il vient de faire un deuxième AVC !) m’a émue. La perte partielle du langage subie par cet homme brillant lui vaudra de se faire licencier d’une manière aussi glaciale qu’odieuse.

Or son handicap langagier, dont il se remet rapidement grâce à l’aide de son orthophoniste, lui offrira un cadeau salutaire : renouer le contact avec son corps, la vie et les autres. Au fur et à mesure du film, ce n’est plus l’homme pressé que l’on voyait parler sèchement, mais un homme plus détendu, à l’écoute, infiniment touchant, et avide de reconnexion avec la nature qui prend vie sous nos yeux.

La relation inédite qu’il noue avec sa « psychopathe » comme il la nomme, en réalité Jeanne son orthophoniste – personnage intéressant et complexe joué par Leïla Bekhti – est une des clés de l’évolution d’Alain. Travaillant dans un lieu où souffrance et chaleur humaine se côtoient – l’hôpital, qui fait pendant à la grande entreprise où la raison calculatrice domine – sa jeune orthophoniste est une personne spontanée, gourmande, et sensible à autrui. Ce personnage est aussi dans une quête personnelle et de ce fait entre en résonance avec celui de Luchini, lequel apprend à lâcher prise, à être au contact des autres et à les rendre heureux. L’orthophoniste n’y est pas montrée comme une rééducatrice pure mais comme un être humain lui-même en questionnement par rapport aux relations humaines – en particulier par rapport à ses origines, à ses parents biologiques, à un possible futur compagnon, et bien entendu à Alain son patient qui n’est pas des plus compliants ni des plus réguliers. Jeanne permettra à son patient de sortir de l’anosognosie de son jargon aphasique, mais plus encore du déni de lui-même qui l’aveuglait jusqu’alors et qui l’empêchait de nouer des liens authentiques.

 

 

A mon sens, le réalisme de la pathologie et de la relation soignant-soigné n’est pas toujours au rendez-vous. Le patient au départ hémiplégique et jargonnant se remet (trop) vite de son aphasie dont les manifestations ressemblent finalement plus à des contrepèteries qu’à des troubles linguistiques classiques, les techniques de rééducation sont simplistes (la répétition de mots essentiellement). L’implication personnelle de l’orthophoniste dépasse le cadre habituel d’une rééducation car elle voyage avec son patient, effectue des séances au jardin des Plantes… La question du respect du cadre de la thérapie est toutefois judicieusement posée par l’orthophoniste.



La question des normes sociales et parfois de leur violence est présente en filigrane dans l’histoire. Le film nous montre ainsi l’absence de tolérance dans le monde du travail face aux différences (Alain est mis à l’écart bien qu’il ait réussi une prouesse en regard de son handicap linguistique et cognitif). Par ailleurs, Jeanne sort du cadre d’une rééducation habituelle. La fille d’Alain a tout pour réussir et pourtant… Malgré tout, les personnages n’apparaissent jamais dans l’excès et réussissent à trouver un équilibre.

Finalement, ce film nous donne à voir des personnages subtils et pleinement vivants, qui n’échappent pas aux questionnements ni aux souffrances de la vie. La phrase prononcée par Jeanne puis Alain, « Il ne faut pas se fier aux apparences », me semble être le message central de cette histoire. Un homme pressé nous invite à aller au-delà de ce que nous croyons, à rester en contact avec nous-mêmes, et surtout à ne pas oublier d’entretenir des relations humaines riches de sens pour ouvrir des espaces de liberté dans nos existences parfois très pressées.

 

Découvrez la bande-annonce :

 

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1 commentaire sur “Un homme pressé : l’orthophonie sous les projecteurs

  1. François H

    L’argument du film me paraît aussi un peu judéo-chrétien. Dieu a envoyé la maladie Job pour éprouver sa foi, le martyre à Jésus pour racheter nos péchés. Se révèle-t-on vraiment à travers la maladie et la souffrance ? Nous accompagnons nos patients face aux conséquences néfastes de leur problème de santé, la perte de leurs capacités, mais va-t-on les aider à trouver un sens à leur vie ? La question est posée. Je n’ai jamais connu de patients neuro qui s’étaient révélés à eux-même grâce à leur aphasie, même s’ils ont progressé et que la prise en charge s’est bien passée. Ils ont eu des problèmes de couple, perdu certains amis. C’est vrai que ce genre d’épreuve fait le tri entre les liens essentiels et les relations de circonstance.

    Le problème de surinvestissement professionnel du personnage est bien réel, mais en général une reconversion suffit… Enfin c’est pour cela que ce genre de film (comme Intouchables) me gêne dans son propos.

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