Les multiples fonctions de l’aire de Broca

Broca

J’ai traduit des extraits d’un article en anglais qui m’a beaucoup intéressée (Fedorenko et al, 2011). Il concerne les recherches récentes à propos de l’aire de Broca. Il est disponible ici. J’ai également ajouté des commentaires personnels et des remarques inspirées d’autres études.

Cette région du cerveau, située dans l’hémisphère cérébral gauche au pied de la 3e circonvolution frontale (partie inférieure du gyrus frontal gauche) est connue depuis Broca et son patient M. Leborgne appelé « Tan » à cause de sa stéréotypie (1861), pour être le centre de la production du langage articulé. Diverses études ont montré que cette zone  était impliquée dans le traitement du langage à un niveau analytique (alors que l’hémisphère droit traiterait le langage de manière plus globale), aux niveaux phonologique, lexical et syntaxique. A noter que l’hémisphère gauche serait dédié au traitement du langage d’une manière analytique, au niveau de la production aussi bien que de la compréhension, alors que l’hémisphère droit traiterait le langage de manière plus globale. L’hémisphère gauche serait cependant spécialisé dans le traitement phonologique (reprise de la partie théorique de la thèse de Perrone-Bertolotti, 2011).

Récemment, des chercheurs ont montré que la zone de Broca était également sollicitée pour un large panel de fonctions non linguistiques, telles que la mémoire de travail, le contrôle cognitif, le traitement arithmétique, les comportements dirigés vers un but, des aspects de la représentation de l’action, et la musique. On peut penser : c’est logique, puisque l’aire de Broca est située dans le cortex préfrontal, dont on sait qu’il est impliqué dans les fonctions exécutives (Luria, 1966 ; Fuster, 1997) !

Or, Fedorenko pense que l’aire de Broca ne devrait pas s’appeler ainsi parce qu’elle pourrait elle-même être divisée en deux sous-régions qui auraient des rôles distincts. Son étude réalisée avec l’IRMf a montré que lors d’une tâche linguistique et d’une ou plusieurs tâches non linguistiques (connues pour activer l’aire de Broca), les participants ont activé deux zones différentes dans l’aire de Broca : l’une antérieure, qui a répondu spécifiquement aux stimuli linguistiques, et l’autre plus postérieure qui s’est activée lors des tâches d’arithmétique, de mémoire de travail visuelle et verbale, et de tâches faisant intervenir le contrôle cognitif.

Au vu des résultats de son étude, l’auteur déplore dans la discussion que le terme d’aire de Broca soit employé de manière approximative.

 Suite à cet article, je me pose plusieurs questions pour tenter d’aller plus loin :

– Devrait-on réduire l’aire de Broca à sa partie antérieure et de fait penser que  cette zone sensible aux stimuli linguistiques ne devrait pas inclure la partie postérieure non spécifique au langage, comme semble le penser Fedorenko?

– Pourrait-on à l’inverse envisager l’aire de Broca comme une zone plus complexe que ce qu’on avait imaginé jusqu’alors, faisant intervenir à la fois les fonctions linguistiques et non linguistiques (dont les fonctions exécutives) ? C’est ce que pense le chercheur Peter Hagoorts qui tente de prouver que l’aire de Broca comporte des fonctions plus diversifiées, en étudiant les liens possibles entre les deux zones découvertes dans cette aire du cerveau.

– A la lumière de la découverte des rôles multiples de l’aire de Broca, pourrait-on inclure le langage (au niveau de la production du moins) dans les fonctions exécutives de manière plus générale ?

Cet article intéressant a le mérite de nous faire réfléchir sur les liens étroits entre fonctions exécutives et langage, déjà évoqués par Vygotski (1934/1997) et repris par Diaz et Klingler (1991).


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