Philosophie et action

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Philosophie renvoie étymologiquement à l’ « amour de la sagesse ». Or, en quoi consiste cette sagesse ?

  • La connaissance de soi ? « Connais-toi toi-même », nous conseille le temple de Delphes du temps de la Grèce antique.
  • La recherche du bonheur ? « Le bonheur, c’est de continuer à désirer ce qu’on possède » selon Saint Augustin.

  • La manière de se comporter vis-à-vis d’autrui ? « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen » nous dit Kant.
  • La compréhension des contradictions humaines ? « La folie est quelque chose de rare chez l’individu ; elle est la règle pour les groupes, les partis, les peuples, les époques » selon Friedrich Nietzsche.

C’est vrai, la philosophie nous aide à réfléchir sur nous-mêmes, sur la vie, le bonheur, le rapport à l’autre mais elle nous aide surtout à trouver le chemin de la liberté. Rechercher le bonheur, c’est en fait chercher à être libre :

« Le bonheur ne consiste pas à acquérir et à jouir, mais à ne rien désirer, car il consiste à être libre », nous dit le stoïcien Epictète. Epicure l’épicurien lui répond en écho : « Quand on se suffit à soi-même, on arrive à disposer de ce bien inestimable qu’est la liberté ». Amour de la liberté et amour de la sagesse ne sont qu’une seule et même chose.

Or, pour répondre à cette quête de liberté, les philosophes ne se sont jamais contenté de rêver sans agir. Ce qui a motivé les philosophes à travers les âges, ce sont les moyens concrets qu’ils pouvaient mettre en place pour faire advenir la liberté humaine. Je souhaite montrer dans cet article que la philosophie et l’action sont indissociables.

 

Philosophie et engagement personnel

 

Quand on aime la liberté, on ne s’enferme pas dans sa tour d’ivoire pour réfléchir à des idées éloignées de la réalité quotidienne, mais on les met en action. Socrate, qui vécut à Athènes au Ve siècle avant Jésus-Christ, n’a jamais écrit de livres. Se comparant lui-même à un « taon », cet insecte volant désagréable qui nous harcèle et qu’on a envie de chasser, il allait à la rencontre de ses contemporains et les harcelait de questions jusqu’à ce qu’ils « accouchent » d’une vérité qui soit véritablement la leur. Perturbateur dans sa cité, Socrate paiera de sa vie son engagement concret dans la voie de la sagesse.

Beaucoup plus tard, le mouvement des Lumières est apparu avec la volonté de libérer les esprits de l’ignorance. Il donnera naissance à l’Encyclopédie, œuvre comportant 17 volumes édités entre 1751 et 1772 sous la direction de Diderot et d’Alembert.

Au XXe siècle, Sartre appliquera sa propre philosophie, l’existentialisme. L’homme, parce qu’il est « condamné à être libre », doit assumer la responsabilité de ses actes. Fidèle à ses idées, Sartre s’engagera en politique dans le parti communiste, avec lequel il prendra ensuite ses distances. Via ses livres et ses articles, il prend parti dans des procès et défend des accusés, il soutient le désir d’indépendance de l’Algérie et la révolution cubaine, les événements de mai 68… A la fin de sa vie, devenu aveugle, il continuera jusqu’au bout à rester engagé.

 

Philosophie du langage et pragmatique

 

Ce sont d’abord des philosophes qui ont rapproché la linguistique de la réalité concrète, et non des linguistes. La pragmatique (relation entre le langage et le contexte dans lequel il est produit) naît avec des philosophes : William James et Peirce. En 1962, Austin publie Quand dire, c’est faire, où il explique que les énoncés servent avant tout à agir sur l’environnement : les énoncés peuvent renvoyer à un acte descriptif (exemple : Elle a du charme) ou à un acte visant à accomplir une action (exemple : Je te promets que nous irons au restaurant ce soir). A la suite d’Austin, Searle proposera en 1975 une théorie des actes de langage (actes visant à informer, à demander, à promettre, à remercier, à accomplir un acte institutionnel…).

En 1975, c’est encore un philosophe, Grice, qui introduit la notion de maximes conversationnelles (règles qui doivent être respectées dans un échange conversationnel). Elles sont au nombre de quatre : quantité (dire ni trop ni trop peu d’informations), qualité (l’information délivrée doit être vraie), pertinence (rester dans le thème de l’échange) et manière (s’exprimer clairement et simplement). Ces quatre maximes dépendent de la coopération entre les interlocuteurs.

 

Philosophie et médecine : la naissance de l’éthique

 

Pour Galien (médecin de l’Antiquité qui a vécu au IIe siècle après J-C), tout bon médecin se devrait d’être philosophe. En effet, l’exercice de la médecine exigerait d’appliquer à soi-même la voie de la sagesse : ne pas tomber dans l’excès, savoir modérer ses appétits de richesse… On peut penser que cette vision assez moralisatrice de la médecine est dépassée aujourd’hui. Cependant, les soignants sont toujours confrontés à des choix délicats lorsqu’ils sont face à des patients. Là encore, la philosophie s’empare du concret et se propose de réfléchir aux relations entre soignants et soignés au travers d’une branche spécifique de la philosophie consacrée à l’action humaine : l’éthique. Cette discipline est destinée à nous aider à respecter la personne en souffrance, sa dignité et in fine sa liberté. A ce sujet, vous pouvez lire l’excellent article de Guillaume : Vers une éthique en orthophonie. Mais comment définir le libre arbitre d’un patient qui ne parle plus ? La philosophie se doit de réfléchir à cela mais aussi de donner des réponses concrètes à ces questions.

 

Pourquoi s’intéresser à la philosophie ?

 

Nous avons pu constater chez les philosophes une certaine « obsession de l’action ». Au-delà de l’éthique, que ce soit dans le domaine de la politique, des sciences du langage, de la médecine, etc, les philosophes se sont attelés à la tâche de réfléchir dans le but de trouver des solutions aux problèmes humains. Même la méditation, forme de détachement par excellence, exige des méditants une pratique quotidienne, et donc une forme d’action.

Aimer la philosophie, c’est aimer la liberté et l’action pour la liberté. En tant qu’orthophoniste amoureuse de la philosophie, j’aspire à contribuer à rendre mes patients plus libres, et je ne pense pas que ce soit exagéré d’affirmer cette ambition. Selon moi, améliorer le langage et la communication n’est qu’un moyen pour favoriser l’accès à la liberté de s’exprimer et d’être soi parmi les autres. Mais on pourrait aussi considérer que toute action humaine, toute technique inventée par les Hommes, est une manière de rendre l’être humain plus libre. C’est donc par amour de la liberté et souci d’agir au plus juste qu’il me semble indispensable de s’intéresser à la philosophie.

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