Mon expérience d’orthophoniste à domicile

L’exercice libéral à domicile de l’orthophonie est possible et beaucoup plus varié qu’on pourrait l’imaginer. Voici mon expérience.

 

 

Pourquoi exercer l’orthophonie à domicile ?

 

Après avoir obtenu mon diplôme d’orthophoniste à Paris en 2013, j’ai passé presque un an dans un cabinet traditionnel en tant que collaboratrice. Ces mois ont été à la fois intenses, enrichissants mais aussi source de questionnements sur ma place d’orthophoniste.

J’ai alors souhaité reprendre des études de sciences du langage afin d’obtenir le niveau Master dans un domaine qui me passionne, les sciences du langage, et de découvrir le monde de la recherche. Pendant cette année, je devais continuer à travailler en parallèle. L’exercice à domicile m’est apparu comme la solution me permettant de concilier travail et reprise d’études. En effet l’organisation de mon année de master nécessitait que je sois présente en cours et en stage plusieurs demi-journées par semaine, tout en pouvant être flexible. J’ai eu entre autres deux semaines complètes de cours séparées par plusieurs semaines « normales » où certains cours ont été souvent déplacés et reportés à la dernière minute.

Après cette année de reprise d’études enrichissante sur le plan personnel, j’ai finalement repris l’orthophonie à temps plein à Paris en septembre 2015. J’étais désormais convaincue de ma réelle envie de pratiquer l’orthophonie sur le terrain – métier passionnant mais complexe dont je sentais qu’il me faudrait des années pour m’y sentir pleinement à l’aise – plutôt que dans un laboratoire de recherche. Si je devais reprendre la recherche un jour je me centrerais sur la création et l’étalonnage de bilans orthophoniques notamment dans le cadre de l’autisme. Pour le moment je me concentre sur la clinique que je trouve encore plus passionnante depuis que j’ai choisi de m’y consacrer pleinement.

 

L’exercice mixte : jongler entre salariat et libéral à domicile

 

Depuis mars 2016 je suis en exercice mixte. Mon poste en salariat dans une association destinée à aider les adultes autistes, sur deux journées par semaine, me permet de m’investir dans l’orthophonie d’une manière bien différente du libéral. Bien que j’aie choisi de réaliser de nombreuses prises en charge en individuel, je peux animer des activités de groupe seule ou avec des éducateurs (j’ai actuellement un groupe sur les habiletés conversationnelles). Je suis aussi amenée à actualiser les évaluations des jeunes et à réfléchir aux objectifs de leurs projets individuels, à participer à des réunions d’équipe pluridisciplinaires, à prendre part aux repas thérapeutiques et à participer à la dynamique de l’institution. Je bénéficie également d’un budget matériel et formations, de congés payés, de chèques-cadeaux pour Noël et les grandes vacances, ce qui est agréable quand on vient du libéral. Les patients sont attachants, au bout de presque quatre ans des liens de confiance sont établis, mais je travaille trop peu selon moi, en lien avec les familles et avec l’extérieur, ce qui tient hélas au fonctionnement interne de nombreuses institutions.

A côté de ce travail en salariat, j’ai un peu plus de vingt-cinq rendez-vous en tant qu’orthophoniste en libéral, à domicile uniquement. Je vois mes patients le soir après mes journées de salariat qui se terminent à 16 heures, et j’y consacre deux journées et demie complètes. Ce que j’apprécie le plus dans mon exercice libéral est le contact avec les patients et leur entourage, contact que je trouve plus spontané. L’exercice à domicile est aussi très gratifiant car les patients qui me contactent me font part de leur soulagement de trouver un professionnel qui peut se déplacer chez eux. Certains patients ne pourraient même pas se rendre dans un cabinet accessible aux personnes à mobilité réduite, en particulier ceux en fauteuil qui habitent des immeubles sans ascenseur. La motivation des patients et des familles est souvent plus visible.

 

Quelles démarches administratives ?

 

Pour exercer à domicile uniquement, il n’y a pas besoin de disposer d’un local. Il faut d’abord s’inscrire à l’ARS de sa région et déclarer son adresse personnelle comme étant également son adresse professionnelle. Les autres démarches sont les mêmes que pour ouvrir un cabinet traditionnel : inscription à la CPAM, à l’URSSAF, à la CARPIMKO. Une assurance responsabilité professionnelle et civile est obligatoire. J’ai également pris une prévoyance afin d’assurer mes arrières au cas où je tomberais gravement malade. Le paiement de la CFE (cotisation financière des entreprises) est dû chaque année, même s’il s’agit de la cotisation minimale (attention au lieu où on s’installe : elle est 7 fois plus chère dans le Val de Marne où j’exerce actuellement qu’à Paris où j’étais au début de mon activité).

Psychiquement je ressens moins de stress qu’en cabinet : il n’y a pas de local à payer, moins de rendez-vous à gérer, les déplacements permettent de souffler un peu après une séance émotionnellement difficile, et parfois de prendre le soleil avant de commencer la séance suivante. Il faut tout de même se coordonner avec les autres professionnels (infirmiers, kinés…) afin de trouver des horaires qui conviennent au patient, ce qui n’est pas toujours évident. Les patients sont rarement disponibles le matin avant 10 heures voire 11 heures, que ce soit à domicile ou en EHPAD. Certains patients peuvent aussi poser des lapins car ils oublient leur rendez-vous, ou se retrouver hélas très souvent hospitalisés du fait de leurs multiples pathologies. Ce sont des aléas qui font partie de l’exercice à domicile.

Mon numéro de téléphone personnel est aussi mon numéro de téléphone professionnel, cela me convient même s’il est possible de dissocier les deux. Je reçois maximum une dizaine d’appels par semaine (seulement) et lorsque je ne suis pas disponible pour répondre (je ne décroche jamais en séance !), les gens qui souhaitent un rendez-vous me laissent un message. Je les rappelle dans la journée ou dans les deux jours au maximum. Pénurie d’orthophonistes oblige, je suis contrainte la plupart du temps à réorienter les gens qui m’appellent vers des collègues qui font aussi du domicile, car les prises en charges durent longtemps, mais je les inscris tout de même sur liste d’attente et je leur demande de rappeler tous les mois s’ils ne trouvent personne.

 

Sans local… où va-t-on travailler ?

 

Je vois mes patients chez eux, parfois certains patients âgés vivent au domicile de leurs enfants. Chaque patient bénéficie d’une ou deux séances par semaine car il faut aussi que je tienne compte de mes jours de salariat. J’essaie d’accepter des patients relativement proches géographiquement les uns des autres, sur une zone assez large tout de même, de manière à m’y rendre en transports en commun, à pied, et/ou en trottinette en fonction de la météo, et de la disponibilité (ou pas !) des moyens de transport collectifs. Je peux voir 8 à 10 patients sur une journée complète. Entre chacun, j’ai entre 5 minutes et 35 minutes de battement.

Moi :

 

Parallèlement aux domiciles, j’interviens dans plusieurs structures de soins. Je me rends dans deux EHPAD l’équivalent d’une journée et demie par semaine. Dans ces structures qui n’ont pas de budget pour les orthophonistes (elles sont en dotation partielle), je suis payée par les caisses de sécurité sociale de mes patients. Ce sont les médecins coordonnateurs ou les médecins traitants qui orientent les patients vers moi. Dans l’une de ces maisons de retraite, j’ai signé une charte dans laquelle j’ai accepté de rédiger des transmissions informatisées (environ une fois par mois) et de participer bénévolement à une réunion annuelle avec les autres professionnels de la structure. Dans l’ensemble j’interviens très librement dans ces structures, aucun jour ni horaire n’est imposé. Seulement la coordination avec les professionnels salariés des EHPAD n’est pas facile à mettre en place. Je me concentre essentiellement sur mes patients pour qui j’essaie d’apporter un mieux-être dans les conditions de vie difficiles qui sont les leurs (santé déclinante, vie en institution, dépression…). Depuis peu, je me rends également une après-midi par semaine dans une maison d’accueil médicalisée (MAS) où vivent des adultes handicapés par des maladies psychiques (et souvent physiques). Je suis conventionnée avec la structure, et le temps dédié à la transmission des informations et à la coordination avec l’équipe est pris en compte dans le calcul des actes que je réalise dans l’institution.

Avec le recul je pense qu’un statut de salarié serait beaucoup plus profitable pour l’orthophoniste qui souhaite s’investir pleinement dans des structures de soins. Je crois que le statut libéral peut être un moyen de prendre le pouls d’une structure de soins, de « goûter » à l’ambiance, avant de s’y engager ultérieurement dans le cadre d’un contrat salarié si cela est possible. Actuellement je tends à diminuer le temps passé dans ces structures au profit de mes patients à domicile car je trouve que le travail réalisé dans le lieu de vie ordinaire du patient avec la présence de ses proches est beaucoup plus intéressant et gratifiant sur le plan humain.

 

Les pathologies sont-elles moins variées ?

 

Au départ (en 2014) j’ai repris les patients d’une orthophoniste qui suivait essentiellement des patients très âgés présentant des AVC et/ou des pathologies neurodégénératives. Les patients me sont encore très souvent envoyés par des unités gériatriques, parfois par des services d’hospitalisation à domicile. Mais même chez les personnes âgées les demandes et les axes de prise en charge sont variés : bilans de déglutition, stimulation cognitive, mise en place de moyens de communication augmentatifs et alternatifs, prise en charge de la dysarthrie, de la presbyphonie… Récemment j’ai eu des demandes de soins pour des adultes plus jeunes handicapés par une maladie génétique.

 

Progressivement je me suis rendu compte que la prise en charge à domicile peut se justifier chez d’autres patients, même ceux qui pourraient se déplacer physiquement dans un cabinet d’orthophoniste. Au fil de mes formations et de mes rencontres avec des collègues, j’ai accepté de voir une jeune femme malentendante qui réside dans un foyer, mais aussi des enfants d’âge scolaire porteurs d’autisme, et un enfant porteur de trisomie 21. Les enfants qui m’ont été adressés présentent des difficultés à maintenir leur attention, aussi suis-je souvent soulagée lorsque les parents peuvent assister à la séance ! Le fait de voir les enfants handicapés à domicile me permet d’être davantage disponible pour échanger avec les parents et donner des conseils adaptés à l’environnement du patient.

 

Quel matériel prendre ?

 

J’essaie dans la mesure du possible d’emporter peu de matériel car il faut que je le porte toute la journée entre chaque rendez-vous ! Dans mon sac à dos, j’ai toujours : un agenda papier, une pochette cartonnée qui contient un mini dossier pour chaque patient, des imagiers des feuilles blanches et des stylos, une tablette tactile où je stocke de nombreux fichiers et exercices, parfois du matériel pour les prises en charge en oralité (gants en latex, Z-vibe, pailles…). Je me sers très souvent de mon smartphone pour faire écouter de la musique, lire et commenter des articles du Monde avec mes patients, trouver un signe de LSF sur Elix, vérifier la signification d’un mot ou une information de culture générale (merci Google !). A la maison, plusieurs placards sont destinés à stocker mon matériel : bilans, classeurs, jeux, livres, plastifieuse…Tout cela commence à prendre beaucoup de place !

 

Je prépare à l’avance mes séances à la maison lorsque mon patient a besoin d’un matériel en particulier (photocopie d’un test ou d’un exercice papier-crayon, gants pour faire des massages faciaux, renforçateur ou jeu que j’aimerais tester…). Avec mon ordinateur à la maison, je consacre une matinée par semaine aux tâches administratives : préparation des factures, des demandes d’autorisation préalables à la sécu, rédaction des compte-rendus de bilans et de prises en charge, tenue de la comptabilité, préparation de certaines séances, achat de matériel…

 

J’aime beaucoup me servir de ce que les patients ont déjà chez eux : miroirs, livres, journaux, photos, objets, aliments… Il faut oser leur demander certaines choses, cela permet aussi de sortir de sa zone de confort et de rendre la séance plus spontanée. Les lieux de vie des patients contiennent déjà souvent ce dont j’ai besoin. Les structures où je me rends possèdent généralement des livres, des gants, de la nourriture et des boissons pour les bilans de dysphagie, et parfois même des jeux en libre-service qui peuvent être utilisés en séance. Il m’apparaît d’ailleurs aujourd’hui indispensable de réaliser mes bilans de déglutition en situation naturelle en observant les repas, certains patients m’ont même gentiment invité à manger avec eux, ce qui est encore plus naturel qu’une situation de bilan classique car ils avaient davantage le sentiment d’avoir une invitée que de se sentir observés. La présence des proches m’est aussi très précieuse car je peux leur montrer et leur expliquer ce qui me paraît important, et les faire participer si le contexte s’y prête. Quelques exemples concrets :

  • une patiente vue pour dysarthrie possède sa propre huile de massage et me lit des textes issus de livres qu’elle lit tous les jours
  • le mari d’une patiente a été rechercher dans sa bibliothèque le 33 tours d’une chanson que je faisais écouter à sa femme sur mon smartphone
  • j’ai installé une application de communication augmentative sur la tablette de ma patiente aphasique
  • une dame aveugle suite à son AVC a pu écouter des livres audio en séance grâce au lecteur CD et aux disques apportés par sa fille
  • lorsque mon patient autiste veut faire une demande à un membre de sa famille, je peux l’amener vers son classeur pour généraliser l’utilisation de son système de communication par échanges d »images

De plus, le domicile du patient me semble tout à fait justifié pour l’amélioration des fonctions exécutives : on peut ainsi fabriquer des visuels et réaliser des recettes de cuisine, des séquences de tâches pour l’habillage, des mémos pour utiliser certains appareils ménagers… L’intervention à domicile permet d’améliorer concrètement la qualité de vie des patients mais là encore, la qualité de la présence de l’entourage jouera aussi dans l’efficacité de nos actions.

 

Conclusion

 

L’exercice libéral à domicile peut être beaucoup plus varié qu’on ne le pense de prime abord, tant en termes de lieux de travail que de patientèle. Il répond à un réel besoin (il n’y a pas assez d’orthophonistes pour toutes les demandes, même en région parisienne !). Ce mode d’exercice encore rare est réellement utile pour les patients qui peuvent bénéficier de prises en soins ciblées plus précisément sur leurs attentes au quotidien. Se rendre à domicile est une occasion unique de valoriser les ressources matérielles et humaines déjà disponibles dans le lieu de vie de nos patients. En particulier l’orthophoniste qui souhaite s’orienter vers la neurologie (et d’autres pathologies comme l’oralité, la dysphagie, l’autisme…) peut y trouver une manière d’exercer cohérente et porteuse d’efficacité.

Le meilleur que j’ai trouvé dans ce mode d’exercice se trouve dans l’intensité des relations thérapeutiques que j’ai eu la chance de vivre. L’orthophoniste qui se rend à domicile rentre dans l’espace intime du patient. La frontière thérapeute/patient devient moins étanche. Certains patients aiment commencer la séance par un café que nous prenons ensemble. J’ai aussi vécu des moments de partage très émouvants comme avec ce monsieur qui m’a montré les photos de ses proches décédés, sa médaille du travail et d’autres objets qui comptent énormément pour lui. Cette année je suis allée à une messe d’enterrement pour une dame que j’ai suivie jusqu’au bout de son chemin de vie. J’ai pu également participer à un concert en tant que pianiste amateure grâce au fils et à la belle-fille d’une patiente que j’ai suivie pendant 6 ans… Ces moments resteront gravés en moi. Je crois que le métier d’orthophoniste est précieux lorsque nous acceptons de partager de vrais moments de vie pendant les séances, ce qui nous permet de garder en tête que la relation humaine que nous créons avec nos patients doit et vaut la peine de rester au fondement de notre pratique.

 

Et vous, quelles sont vos expériences de l’orthophonie à domicile ?

11 commentaires sur “Mon expérience d’orthophoniste à domicile

  1. Huot

    Bonjour, étant en recherche d’orthophoniste pour ma fille je suis tombé sur votre article , site ou blog je ne sais pas mais je tenais à remercier votre engagement auprès de ces personnes qui sont dans le besoin d’avoir des soins orthophoniques. Je pense qu’il devrait y avoir plus d’orthophoniste à domicile même si je ne suis pas dans un petit village au fin fond du monde . Le choix parmis le peu d’orthophonistes est dur sachant que ceux ci sont déjà submergés et font face à une liste d’attente énormes . Moi et bien d’autres personnes en tant que demandeurs font face à cette « pénurie d’orthophoniste » a cause nous aussi de notre contraintes personnelles et professionnelles qui nous amènent à faire des choix. Beaucoup de courage pour vous et ses personnes qui exercent ce métier. Dans l’espoir de trouver une orthophoniste pour ma fille…

  2. Groupe parents école

    Bonjour Raphaelle, tout d’abord merci pour ce partage d’expérience.
    Nous somme un groupe de parents d’élèves dans une région en manque d’orthophonistes.
    Suite à votre témoignage nous avons penser à cette alternative . Nous pensons contacter les associations des étudiants en orthophonie pour démarcher les futurs orthophonistes. Est il possible d’exercer à domicile pour des patients « non complexes »

    • Bonjour, le manque d’orthophonistes est un sérieux problème. Les soins orthophoniques à domicile sont prescrits par un médecin, il doit donc y avoir une justification médicale pour obtenir des soins à domicile (patient en fauteuil, jeune enfant pour des troubles alimentaires pédiatriques, handicap de l’enfant). Dans tous les cas il faut l’accord du médecin qui prescrit les soins. L’orthophoniste peut aussi intervenir à l’école si le handicap du patient est égal ou supérieur à un taux d’incapacité de 50 %.
      La création d’une maison de santé pourrait faire venir des orthophonistes dans votre région, cela se fait de plus en plus, ce projet peut être porté par votre municipalité. Le démarcharge d’étudiants est aussi une bonne idée à mettre en place. J’espère que vous pourrez trouver des orthophonistes rapidement. Bien à vous.

  3. Spriet

    Bonjour,
    Merci pour ce témoignage qui m’intéresse également énormément. Toute jeune diplômée, j’envisage de plus en plus ce mode de fonctionnement, pour les raisons évoquées dans votre récit et dans les commentaires. Accepteriez vous de répondre à quelques interrogations que j’aies à ce sujet ? Auriez vous une adresse mail?
    Merci d’avance,
    Belle journée,
    Mathilde

    • Bonjour Mathilde, je suis désolée pour la réponse tardive, je n’étais pas souvent sur mon blog ces derniers temps car j’ai créé un nouveau cabinet et je reçois désormais des patients en plus des prises en charge à domicile, mais vous pouvez bien sûr me contacter à l’adresse suivante : bonjour (at) labortho.fr (Mesure anti spam : remplacez le (at) par @ et supprimez les espaces.)
      A bientôt,

      Raphaëlle

      • Céline HIDALGO

        Bonsoir Raphaëlle,

        Merci pour avoir pris le temps d’écrire ce témoignage détaillé et touchant qui répond en grande partie à mes questionnements.

        Suite à la lecture de votre réponse à Spriet, est-ce que je peux me permettre de vous demander pour quelle raison vous avez finalement décidé de recréer un cabinet ?

        Je suis actuellement dans la recherche. J’ai exercé en cabinet pendant 7 ans, en IME, puis en structures hospitalières … et je me questionne sur la possibilité de reprendre une pratique libérale uniquement à domicile.
        Voilà pourquoi je vous demande cette précision afin de ne pas passer à côté d’un paramètres rédhibitoire à cette pratique qui serait nouvelle pour moi.

        En vous remerciant encore.

        Bon dimanche,

        Céline

        • Bonjour Céline,

          J’aimais beaucoup l’exercice à domicile mais il me manquait quelque chose. Après avoir quitté la structure spécialisée TSA où j’exerçais en salariat, je me suis dit que je pourrais suivre des patients de profils similaires en cabinet, ce qui me conviendrait mieux en termes de travail en collaboration avec les familles. J’avais aussi envie de pouvoir répondre à davantage de demandes de soins que je refusais régulièrement, en particulier pour des enfants et des ados avec retards de langage, dyslexie par exemple, que je ne pouvais pas voir à domicile. A mon sens le déplacement à domicile doit être justifié par les grandes difficultés qu’a un patient pour se déplacer au cabinet. Il est aussi indiqué pour des jeunes patients handicapés ou pour l’observation des repas. J’ai donc beaucoup réorienté les patients que je ne pouvais voir à domicile.

          J’avais aussi besoin de me poser dans un lieu professionnel différent de mon propre domicile où j’entreposais mon matériel et les dossiers des patients. Pour le moment je m’y retrouve, et avec le cabinet je me sens plus ancrée et encore plus impliquée dans mon métier. J’ai désormais mon propre bureau, je suis titulaire alors qu’au tout début de ma carrière j’étais en collaboration dans un bureau partagé. Je sens qu’avec les années j’ai pris confiance en moi et l’ouverture de mon cabinet est l’accomplissement de ce chemin.

          Je garde toutefois 2 journées de domiciles ( et je suis au cabinet 2 jours et demie) car le contact avec les patients quand je vais chez eux est spécial, chaleureux et je suis directement en phase avec leur quotidien, et c’est un exercice très gratifiant (mais j’ai arrêté les déplacements en EHPAD car je n’y trouvais plus de sens en tant que libérale). A domicile l’emploi du temps peut être plus léger, et il n’y a pas de charges de loyer (mais on paie quand même la CFE!). Tout dépend de votre souhait d’évolution professionnelle, il n’y a pas de réponse toute faite mais je vous encourage à vous lancer dans les domiciles, surtout si vous aimez les prises en charge en neurologie, et si vous êtes dans une grande ville c’est plus simple à mettre en place. Si vous avez des questions n’hésitez pas à me les poser.

          Bien à vous,
          Raphaëlle

  4. Julie

    J apprecie enormement ce temoignage.
    Je souhaite devenir orthophoniste et travailler à domicile m interesse enormement.
    L un des commentaires signale « un effort » parfois moindre du fait que le patient ne se deplace pas : c est un autre point de vue tres interessant.

    Je pense qu accepter de faire du domicile pour faciliter la prise en charge doit tout de meme necessiter un contrat clair avec le patient.. meme si au final le patient ne viendra jamais en cabinet, lui signifier que cela doit etre envisagé a un moment donné de la prise en charge et cela avant tout debut de prise en charge est indispensable.
    En tant que reeducateur nous devons faciliter la reeducation mais aussi induire une rehabilitation et une certaine adaptation au contexte quelqu il soit.

  5. JAC

    Bonjour, C’est un article bien intéressant et qui met en valeur les soins à domicile. Cela fait 35 ans que j’exerce ce métier et j’ai toujours eu une tournée quotidienne de séances à domiciles (neurologie adulte – oncologie). Je pense que certaines pathologies ne peuvent être « traitées » efficacement qu’à domicile car elles mettent en jeu les ressources du quotidien du patient dans son cadre de vie (pour les pathos neurodégénératives notamment). La prise en charge des troubles de la déglutition dans le cadre d’une ré-alimentation per os après une opération pour un cancer de la sphère ORL est également bien plus facile à réaliser à domicile (implication du conjoint ou des aidants – préparation des aliments et des repas directement sur place). Sur le plan relationnel, ce type de pratique permet également de faciliter les rencontres avec les proches des patients adultes dépendants (aidants – conjoints – enfants – aides à domiciles …). Ce qui est bien souvent un levier indispensable pour la mise en place de certaines aides. Mais effectivement, ce type de prise en charge suppose une organisation un peu particulière. Personnellement, le coffre de mon véhicule est rempli de matériel….

    • Bonjour et merci pour le partage de votre expérience. Vos patients ont de la chance d’avoir un orthophoniste qui se déplace à domicile, avec beaucoup de matériel disponible. A Paris il vaut mieux oublier la voiture !

  6. Melbanka

    Bonsoir,
    Je me questionne moi aussi quant à cette approche, même pour les retards de langage. Proposer un accompagnement parental au domicile du patient me semble de plus en plus pertinent…j’envisage d’essayer un jour ! Par contre, comme j’interviens déjà à domicile, je trouve aussi que la motivation peut être moindre. Le patient est dans son environnement, dans son quotidien. Il ne fait pas sa « pause » préparatrice (le temps de déplacement, par exemple). Il ne fait pas « «l’effort » de se rendre chez son praticien. Se déplacer chaque semaine, c’est aussi s’investir…je crois qu’il n’y a pas de pratique idéale si ce n’est la diversité !!!

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